La période Parisienne.
Paul René Georges Hermann, dit Hermann Paul, est né à Paris le 27 décembre 1864. Fils et petit-fils de médecins d’origine provençale, il abandonne rapidement des études scientifiques pour entrer à l’Ecole des Arts Décoratifs de Paris, puis à la l’Académie Julian.
A partir de 1890 il réalise ses premières lithographies aux côtés de Bonnard, Vuillard et Toulouse-Lautrec. Très engagé durant l’affaire Dreyfus, celui qu’on surnomme le ” Forain de gauche ” travaille notamment pour le Figaro, le Sifflet, le Cri de Paris, l’Assiette au Beurre et de très nombreuses revues satiriques. Il développe dans ses dessins deux thématiques qui lui sont chères : la dénonciation des atrocités commises par les colonisateurs et toujours la laideur de la bourgeoisie.
Ces idées l’amènent tout naturellement à collaborer à la presse anarchiste et libertaire. Outre le fait d’avoir illustré de nombreux ouvrages comme Don Quichotte de Cervantès, Carmen de Mérimée, l’Enfer de Dante, les Bestiaires de Montherlant, La Caraco et La bête du Vaccares de Joseph d’Arbaud, les œuvres de François Villon, il édita lui-même plusieurs albums, comme La Vie de Madame Quelconque et La Vie de Monsieur Quelconque, Alphabet pour les grands enfants, Guignol, Le Veau Gras …
Raymond Geiger sut parfaitement résumer le talent singulier d’Hermann Paul dans une étude (1) qu’il lui consacra en 1929 :
” [Il] a l’honneur d’être de ces artistes qui ne font rien pour flatter le goût du public, de ce public qui veut toujours être du dernier bateau. Il ne cherche pas à plaire […] Pendant de longues années c’est du dessin qu’il usera pour commenter le spectacle de la comédie humaine. Comment une âme bien née et jeune accepterait-elle sans protester ce qu’elle voit des hommes et de leurs passions ? Emporté par un idéalisme sans faiblesse, il s’attaque à tout ce qui est mesquin, vulgaire et bas. La grossièreté de la foule, la bêtise des corps constitués, le grotesque et l’odieux des petits bourgeois, la vilenie des politiciens, la turpitude des financiers, l’imbécillité des amateurs d’art, la canaillerie des marchands, la bassesse, la cupidité et l’avarice des gens riches, la niaiserie des boutiquiers, l’esprit borné et la férocité des militaires, l’hypocrisie des prêtres, la vanité des mondains, n’ont pas de plus cruel ennemi que lui… “.
En 1905, il est élu professeur aux Beaux-Arts. Il préside la société des dessinateurs humoristes, dont le siège se trouve à la tour de Villebon, à Meudon dans les Hauts de Seine. C’est dans ce magnifique pavillon de chasse qu’il installa plus tard son atelier sous les toits dans ce qu’il appelait son grenier. Antimilitariste et pacifiste convaincu, il collabore à « La Guerre Sociale » de Gustave Hervé. Au début du premier conflit mondial, il se rallie à l’idée d’Henri Guilbeaux de lancer un journal pacifiste avant de basculer, comme beaucoup d’autres, dans le camp des bellicistes. C’est probablement après avoir touché à la politique, qui lui inspire finalement une grande répugnance, qu’il décide de passer la fin de sa vie loin de Paris.
Après avoir hésité entre différents lieux de séjour, il décide de s’installer aux Saintes Maries de la Mer où il acquiert une maison sise au numéro 6 de la rue Victor Hugo.
La période camarguaise.
Son ascendance provençale explique sans doute son attirance pour la Camargue où il vécut le dernier quart de sa vie en compagnie de ses amis Joseph d’Arbaud et Folco de Baroncelli.
Sa passion pour la Camargue et la Provence en fit un des meilleurs peintres et illustrateurs de ce pays dont il a cherché à nous révéler l’âme et la magie.
Dans une lettre d’hommage (2) adressée à Charles Forot à l’occasion de la mort d’Hermann Paul, Mathieu Varille témoigne de l’admiration qu’il portait à son ami défunt. Dans le passage qui suit, Mathieu Varille dépeint magnifiquement l’attachement d’Hermann Paul à la culture et à la terre de Camargue.
« Dès son jeune âge, il s’était, comme Goya, intéressé à l’art tauromachique. Il s’honorait de passer pour un véritable aficionado et se passionnait pour la corrida, dont il n’ignorait aucun secret, ce dont il ne se cachait pas de tirer quelque avantage sur le vulgaire […]
Mais où il exultait, c’est quand il assistait à une de ces courses de village sur une arène improvisée de Crau ou de Camargue ou à une ferrade […] Il n’était vraiment heureux que dans les manades du Delta, parmi les gardians et la bouvine. Il aimait, en cavalier accompli, galoper de longues heures dans les espaces infinis de la Camargue, au milieu des chevaux sauvages et des taureaux libres de toute entrave. Sa joie était extrême à voir se lever la sauvagine effrayée par sa bête, et tournoyer sur les étangs avant de s’y poser à nouveau […] A 75 ans il montait encore un cheval de sang, comme un jeune homme et se promenait avec fierté dans son costume de gardian, au pantalon marron, à la petite veste de velours sur une large ceinture noire, et portait gaillardement le large feutre plat des Camarguais, qui ne ressemble à nul autre.
Il se trouvait dans son élément, revenu aux pratiques d’une ascendance qu’il maintenait sans souci des intempéries, du mistral et de la tramontane, car il était taillé dans le chêne de ce pays. La simplicité de cette existence, l’exercice de la liberté et le respect de la personnalité, l’éloignement du médiocre et de la combinaison, tout était pour le séduire […] Au long de ses jours si riches en contacts humains dans les milieux les plus divers, son étude incessante le conduisit de la critique la plus acerbe ou attendrie des humains jusqu’à l’exaltation la plus vibrante de la lumière, dont quelques-uns de ses paysages de Camargue me paraissent l’aboutissement le plus complet ».
En 1937, Hermann Paul avait fondé une association libre des Amis de la Camargue qui regroupait tous ceux qui voulaient sauver son patrimoine, ses traditions et ses paysages. Dans son manifeste il disait : « La Camargue, pays de lumière et de prestiges, véritable réserve de forces mystérieuses, terre sacrée où abordèrent les saintes femmes, terre de gardians et de gitans où errent dans le mirage les chevaux blancs et les noirs taureaux, terre inspiratrice des poètes ».
Ainsi il s’attachait à faire revivre les vieilles traditions : grâce à lui, la fête et le feu de joie des pêcheurs, le jour de la Saint Pierre, avaient repris leur place sur le rivage des Saintes. Il avait fait restaurer, à proximité du Pont du Mort, la croix qui se trouvait autrefois devant la mer et dont le piédestal est une belle colonne grecque. Il contribua également à la création du Musée Camarguais dans l’ancienne mairie (3).
Hermann Paul repose aujourd’hui au cimetière des Saintes Maries de la Mer, où il mourut le 23 juin 1940 et son tombeau, œuvre de l’architecte Marcel Bernard, porte, en pleine pierre, la Croix de Camargue qu’il dessina en 1926.
(1) : Etude publiée dans le numéro du 15 septembre 1929 de la revue Arts et Métiers Graphiques.
(2) : Mathieu Varille : HERMAN PAUL, peintre – graveur 1864 – 1940. (Fonds Baroncelli).
(3) : D’après un article paru dans l’Eclair du 2 juillet 1940.